Le relais (Episode 05)

Le relais (Episode 05)

Précédemment

Depuis quelques mois, Alex, jeune manager plein de bonnes intentions, sent son équipe lui glisser entre les doigts. Le turnover s’accélère, les tensions s’installent, et deux cas de burn-out ont déjà frappé.
C’est dans ce contexte qu’il rejoint sur conseil de Philippe son ancien entraineur, le programme “I Love My Boss”.

Il y rencontre Max, un formateur, au ton direct mais bienveillant, qui l’amène à remettre en question sa posture de manager.

Il y a également Clara, une collègue discrète mais créative, et Chloé, la CFO, pragmatique et incisive, qui l’invitent chacune à leur manière à lever la tête du guidon.

Dans le chapitre précédent, Alex a compris que bien communiquer, ce n’est pas seulement donner des consignes, mais également écouter pour comprendre.
Aujourd’hui, il fait face à une autre impasse : celle du trop-plein, du "je n’ai pas le choix", du "je dois tout faire moi-même".

Episode 5 : Le relais


Alex a l’impression de devoir porter toutes les casquettes : ventes, marketing, communication, projets, production et puis surtout tous les imprévus.
Et bien sûr, il enchaine les retards. Des décisions l’attendent, des équipes l’attendent, des partenaires externes aussi. Il passe sa journée à jongler entre des outils censés lui faire gagner du temps… mais qui, en réalité, semblent en consommer davantage.

Dans la petite salle de pause, la bouilloire vient de s’arrêter.
Chloé, la directrice financière, verse deux tasses fumantes de tisane. Elle tend l’une à Alex, qui semble ailleurs.

— Tu as une drôle de tête.
— J’ai surtout trois semaines de sommeil en retard.

Chloé s’installe à côté de lui. Elle attend un peu, sans parler. Puis :

— Tu veux que je te pose la question ou tu préfères commencer ?
— Vas-y.
— Pourquoi tu ne demandes pas d’aide ?

Alex soupire.

— J’ai pas besoin d’aide. J’ai besoin de temps.

— Alors délègue.
— Le temps de l’expliquer, je l’aurais fait moi-même.

— Tu pourrais recruter.
— Il me faudrait un mouton à cinq pattes. Un profil hybride, à moitié commercial, à moitié technicien. Et en plus, pas à temps plein. Et pas trop cher.
— …Donc un Pokémon légendaire.
— Voilà.

Elle sourit.

— OK, donc : trop de travail, pas le temps de déléguer, pas les moyens de recruter. Tu es dans une impasse.
Il n’y a pas de solution, dit-elle avec une touche de sarcasme.

Elle sirote une gorgée.

— Ou alors… peut-être qu’une de tes hypothèses est fausse.

Alex lève les yeux vers elle, interloqué.

— Réfléchis-y, dit-elle simplement. Puis elle se lève.
— La tisane est bonne. Rappelle-moi d’en racheter.


Comment souvent quand il est coincé, il appelle Philippe, son ancien entraineur. Celui-ci au travers de métaphore sportive, lui offre un nouveau point de vue et là, il a besoin de sa clarté, de son recul.

Ils se retrouvent dans un petit café, non loin du centre aquatique où Philippe continue d'entraîner. Un lieu à mi-chemin entre leurs mondes, calme, avec vue sur les arbres. Philippe est déjà installé, un carnet ouvert devant lui, une main autour d’une tasse brûlante.
Alors Alex, qu’est ce qui t’amène cette fois-ci ? Lui lance d’entrée de jeu, Philippe.
— Trop de boulot. Pas assez de temps, comment faire ? lâche Alex en s’asseyant.
Philippe sourit doucement, comme s’il avait déjà entendu cette phrase des dizaines de fois.

— Tu viens de poser LA question universelle.

Alex fixe la mousse de son café.

— Tu sais, j’ai l’impression d’être comme un nageur. Personne ne peut faire les longueurs à ma place.

Philippe redresse la tête, intrigué.

— C’est drôle que tu dises ça, répond-il. Ça me parle. Moi aussi je suis toujours frustré. Il y a trop de choses à travailler, pas assez de séances pour tout faire.Mais je pense que ce n’est pas encore la question.

Alex fronce les sourcils.

— Ah bon ? Et ce serait quoi, alors ?

Philippe repose sa tasse, penche la tête.

— Est-ce que ton objectif, c’est de faire des longueurs ? Ou est-ce que les longueurs sont juste un moyen d’atteindre ton objectif ?

Alex comprend où Philippe veut en venir. Il tente une défense :

— Tout ce que je fais a un sens. Ça sert mes objectifs, ou ceux de mon équipe. Je ne fais rien d’inutile.

Philippe ne bronche pas. Il s’attendait à cette réaction.
— J’entends bien. Ma question est différente : est-ce la meilleure façon de faire ?

Un silence s’installe. Le vrombissement lointain d’un bus remplit l’air quelques secondes.

— Tu sais, dit Philippe, pour gagner un relais, on pourrait être tenté de mettre quatre fois le même nageur, même si c’est interdit. Mais il est souvent plus efficace d’avoir quatre nageurs qui nagent à fond chacun leur 100 mètres… Plutôt qu’un seul qui s’épuise à faire un 400.

Alex sourit. L’image est parlante.

— Je crois que j’ai besoin de rentrer. Merci, Philippe. Je te tiens au courant.

En Résumé

  • Un manager ne s’épuise pas à tout faire. Il répartit l’effort comme un entraîneur compose un relais.
  • L’énergie, pas le temps, est la vraie ressource à protéger.
  • Se respecter soi-même est une condition essentielle pour bien manager les autres.

Activités pratiques pour s’entrainer

  • Liste les tâches que tu fais en pensant être “le seul à pouvoir les faire”. Challenge cette idée.
  • Visualise ton planning comme une course en relais : quels tronçons peux-tu déléguer ?
  • Si ton niveau d’énergie descend sous 5/10, stoppe, récupère, réajuste. Prends le temps de t’occuper de toi. Même 10 min, en faisant une petite marche où en prenant le temps de te faire une infusion.